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SVEN ϟ Ma soeur. Ma moitié. Mon tout et mon rien. Mon équilibre et mon déséquilibre. Ma réussite et mon échec. J'ignore s'il est possible de mettre des mots, des sentiments sur un lien aussi étrange que le notre. Elle comprend et sait tout de moi, je devine la moindre de ses pensées, de ses envies. D'un an son aîné, je remplis le rôle qui m'est destiné: la protéger. Seulement voilà, tout n'est pas rose. Il y a des côtés sombres dans notre relation, dans notre fraternité. « Johannes, s'il-te-plaît. Tu sais pertinemment que c'est... Impossible. Impensable. On est frère et soeur! Ne rend pas les choses plus difficiles qu'elles ne le sont... » Je sentais mon coeur se serrer face à sa mine déconfite, en proie à une touchante tristesse. Je l'aimais, cela ne faisait aucun doute. Mais etais-je sans reproche? Cela faisait trois ans que ce cinéma durait. Trois ans que l'on devenait sournois, pervers. Dieu que c'est mal d'aimer sa propre soeur différemment que comme un membre de sa famille... « Je sais tout ça. Mais toi même tu as reconnu partager les mêmes sentiments! Peu importe que ça soit bien, ou mal. On peut partir. Rien que toi et moi. Loin, où tu veux, on s'en fout. On y repars. » Je ne pus retenir un sourire. Ce qu'elle pouvait être belle, passionnée. Tout en elle me tenait en haleine, m'attirait irrésistiblement. Mais je restais campé sur mes positions. Je ne voulais pas. Je ne pouvais pas... Je redoutais depuis toujours de tomber amoureux, et le fait que ce soit ma soeur cadette qui m'accapare ainsi me rendait fou. Je n'en dormais plus, je ne vivais plus. Aucune autre fille ne m'intéressait. Je n'avais de cesse de surveiller ses fréquentations, ses sorties. Bordel Jo, que m'as-tu fais? Je la saisissais par les épaules, ferme. « Ecoute moi bien. Je refuse que tu insistes, tu m'entends? C'est malsain putain! Va-t-en, vis, aimes qui tu veux, mais ce sera sans moi. Tu es ma petite soeur. Et tu ne seras jamais rien de plus. » Blesser, rejeter, trahir la personne que l'on aime plus que tout au monde pour se préserver. Egoïsme terrifiant. Je regardais les larmes qui ravageaient son visage tant adoré, insensible apparence. Il fallait que cela cesse. Immédiatement. Putain. Jamais je n'y arriverais...

JOHANNES ϟ « Depuis quand tu fréquentes Jules? » Qui a dit que la jalousie n'était pas femme? Quelqu'un qui n'y connait rien, sans doute. Je le fixais, attentive au moindre signe traitre. Rien. Il n'y avait rien qui ne me rassure, ou me plonge dans un désastre sans retour possible. Il était maître de ses émotions. Comme toujours. « Depuis qu'il me plait de sortir avec elle, Johannes. » Je tressaillis. Je détestais qu'il m'appelle par mon prénom. Habitude perdue. Je me sentais trahie, abandonnée. Mon frère aîné et ma meilleure amie. Ensemble. La perspective m'achevait. Impossible. Impensable. J'en laissais d'ailleurs tomber l'assiette que je tenais entre mes mains. Le bruit du verre qui se brise ne me fit pas sortir de ma torpeur. Tout était flou. J'entendais brièvement Sven lever la voix en m'insultant de maladroite. Il n'avait pas le droit. Ils n'avaient pas le droit de me faire ça. Au contact de sa main sur mon bras, j'explosais. Rêve qui s'estompe, réalité désarmante. « Tu n'es qu'un minable Petersen, un moins que rien! Y a pas plus dégueulasse que de fréquenter ma meilleure amie. Tu te soucies de moi, un peu? De ce que je pense, de ce que je ressens? Tu n'en as rien à foutre! Tout ce qui t'intéresses c'est de te sauter cette garce et de pouvoir te pavaner comme un coq. Je te déteste Sven, si seulement tu savais! » Et les larmes qui n'en finissaient plus de couler. Je m'effondrais au milieu des débris de verre, mon visage entre mes mains. J'étouffais. Je n'arrivais plus à supporter cette situation, ce rejet constant. Qu'avais-je fais pour mériter pareille punition? Je sentais la chaleur d'un autre corps contre le mien, cette douce étreinte de l'être aimé. Je m'abandonnais dans ses bras en femme malheureuse, m'accrochais à lui comme une condamnée. Cette odeur, son odeur. Je m'enivrais. Je ne pouvais et pourrais vivre sans lui. Jamais. « Oh, Jo je t'en supplie, arrêtes de pleurer. C'est pour nous que je fais ça. Pour nous protéger. Pour te protéger. Parce que je t'aime. » Instinctivement, comme deux assoiffés, nos lèvres se rencontrèrent. Je m'abreuvais de cette bouche identique à la mienne, puisais mon réconfort contre sa peau. L'amour peut parfois être une bénédiction. Mais elle peut également être notre perte.

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